Vulnicura, le nouvel album de Björk, est né d’une douleur profonde et cependant commune à tous : la rupture amoureuse. Reprenant la formation musicale de son disque le plus populaire, Homogenic (un ensemble à cordes et des rythmes électroniques) la chanteuse islandaise semble revenir à une dimension plus humaine après l’aventure technologique de Biophilia.
Stonemilker, une ballade dans la lignée des grandes chansons de la compositrice, et History of Touches, bouleversant morceau sur une dernière nuit, ouvrent l’album avant de laisser place à la pièce maitresse de Vulnicura : Black lake. Cette chanson de 10 minutes où l’ombre d’Arvo Pärt plane à travers de longues notes tenues, alterne tempêtes et accalmies introspectives tandis que le chant de Björk exprime, dans un étonnant crescendo, tout le désarroi d’un abandon amoureux et familial. Rarement la chanteuse n’a parlé aussi directement et intimement de ses sentiments. Sa colère, traduite par les pulsations électroniques du producteur vénézuélien Arca, fait écho aux violons mélancoliques de l’orchestre. Au climax de ce morceau, la rage et la résignation de l’artiste éconduite crient, sur des fracas musicaux de plus en plus intenses, des paroles dures et amères. Ce passage éprouvant se meut en un couplet métaphorique et salvateur avant que les cordes lancinantes reprennent une dernière fois le triste thème de Black Lake. Notget et Mouth Mantra continuent dans cette tension nerveuse et techno tandis que les ballades Lionsong ou bien Atom Dance qui voit l’arrivée d’Anthony Hegarty, s’inscrivent dans un ton plus léger, inspiré des comédies musicales. Des harmonies orientales fidèles au lyrisme habituel de l’artiste parsèment également tout le disque. La chanteuse a abandonné la musique pop dans les années 90, et ce nouvel album le prouve. Peut-être difficile d’accès, Vulnicura témoigne malgré tout d’une œuvre qui reste sans concession et met à nu les états d’âme d’une musicienne qu’on n’imaginait plus vraiment humaine à force de concepts. On a coutume de dire que les artistes créent des chefs-d’œuvre dans leurs plus grands tourments. Surprenant et intense, Vulnicura ne déroge pas à la règle et rappelle que cette voix unique vibre toujours.